Quel est votre diagnostic ? C'est la maladie du corail
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DÉTECTION
Les fructifications rouge orangé sur l'écorce craquelée et le bois mort sont caractéristiques de la maladie du corail causée par le champignon Nectria cinnabarina de l'embranchement des ascomycètes, de l'ordre des hypocréales et de la famille des nectriacées, dont l'état anamorphique (forme imparfaite, asexuée ou conidienne) est Tubercularia vulgaris. Ce pathogène est extrêmement répandu dans la nature et fréquent en pépinières ligneuses. Les symptômes de la maladie du corail ont été décrits dès 1882 sur le mûrier par Cornu et sur des rameaux d'érable, de tilleul et de marronnier par Mayr. Puis, après les recherches de Brick en 1893 sur des pousses de Broussonetia papyrifera, la biologie de N. cinnabarina a été étudiée de façon plus approfondie par Arnaud en 1912-1913. Les mycologues Cunningham (1922), puis Zeller (1926), ont observé la maladie du corail dans des vergers de Nouvelle-Zélande sur des rameaux d'abricotier, de pommier et de poirier. Mais la première détermination de ce champignon sur Albizia julibrissin date de 1944, suite aux travaux de Fowler et Stevenson en Amérique du Nord dans l'État de Washington. De nombreux arbres et arbustes d'ornement, fruitiers et forestiers sont sensibles à N. cinnabarina, dès lors qu'une plaie de taille, une blessure accidentelle, des piqûres et galeries d'insectes ou des microlésions de gel lui offrent une voie de contamination. Parmi les végétaux les plus exposés, figurent ceux de la famille des fabacées (sous-familles des césalpinacées, mimosacées, papilionacées) : Acacia, Albizia, Cercis, Coronilla, Genista, Gleditsia, Robinia, Sophora, mais également des essences à bois blanc issus de familles différentes : Acer, Ailanthus, Morus, Tilia. Autres arbres et arbustes sensibles (liste non exhaustive) : Aesculus, Alnus, Betula, Buxus, Carya, Carpinus, Cornus, Corylus, Cydonia, Broussonetia, Crataegus, Elaeagnus, Forsythia, Fraxinus, Hibiscus, Kerria, Koelreuteria, Malus, Mespilus, Malus, Populus, Prunus, Pyrus, Quercus, Rhamnus, Rhus, Ribes, Sambucus, Wisteria, Zelkova. Outre les feuillus, certains Pinus peuvent accuser des attaques. La maladie du corail infecte de préférence les plantes en mauvais état physiologique. Dans certains cas, son développement concurrence d'autres pathogènes comme Nectria ribis, agent du chancre du groseillier. Parfois, il aggrave l'action de parasites primaires : par exemple, le chancre européen à Nectria galligena sur le pommier et le poirier où N. cinnabarina accentue le dessèchement des dards et des branches charpentières.
CONFUSIONS POSSIBLES
Le dépérissement des pousses, rameaux et branches peut provenir de diverses causes biotiques (insectes piqueurs-suceurs, ravageurs xylophages, champignons lignivores, vasculaires...) ou abiotiques (gélivures, asphyxie racinaire, sécheresse, phytotoxicité d'origine herbicide...). Les risques de confusion avec N. cinnabarina sont donc potentiellement importants et assez fréquents lors d'un examen visuel, surtout en l'absence de fructifications. De plus, ce champignon est capable d'agir en parasite secondaire ou en saprophyte. Il peut ainsi masquer un agent primaire de dépérissement. Mais à la différence d'autres Nectria, la maladie du corail n'ulcère pas les tissus. Sur l'albizia, il convient d'éviter les erreurs de diagnostic avec des maladies cryptogamiques : fusariose (Fusarium lateritium), verticilliose (Verticillium albo-atrum, V. dahliae), phomopsis (Phomopsis sp.), et dans une moindre mesure, avec des attaques de ravageurs : psylle (Acizzia jamatonica), flatide pruineux (Metcalfa pruinosa), dont les colonies sont bien visibles avant la chute des feuilles. À noter qu'aux États-Unis, l'albizia est exposé à une fusariose vasculaire (Fusarium oxysporum f. sp. perniciosum), responsable de graves dépérissements, également signalée en Argentine, Porto Rico, Japon, Russie et Grèce.
TRANSMISSION ET DÉVELOPPEMENT
Grâce à son mode de vie saprophytique, les fructifications rouge orangé typiques de N. cinnabarina sont souvent détectées sur le bois mort ou dépérissant. Mais ce champignon se comporte souvent, de façon plus insidieuse, en parasite de blessures. Dans les pépinières, son action est redoutable sur les végétaux sensibles après les opérations de taille et d'émondage, une période de gel tardif, des piqûres de cochenilles, de psylles ou de pucerons, et quelquefois des morsures de chenilles ou une attaque d'insectes xylophages. Ce n'est souvent que quelques semaines plus tard que les dépérissements s'expriment sur les organes contaminés. À la faveur d'un temps doux et humide, la prolifération très rapide du mycélium s'effectue directement au niveau du bois. Les tissus vasculaires sont envahis d'îlots gommeux et de thylles au détriment d'une circulation optimale du flux de sève, sans que cela n'entrave l'évolution des hyphes du champignon. Il en résulte d'abord une altération des parties ligneuses infectées, sous la forme d'un brunissement ou d'un rougissement du bois de coeur sur une longueur de 10 à 20 cm. Quelques jours plus tard, l'écorce se craquelle et manifeste un dépérissement marqué. Les pousses flétrissent faute d'alimentation et les rameaux infectés perdent leurs feuilles avant l'automne. Les filaments mycéliens s'agglomèrent à la périphérie des rameaux en stroma rosé ; ce sont des coussinets conidiophères, dont l'aspect initial est un stroma constitué d'hyphes non différenciées produisant des conidiophores. À ce moment, l'ensemble des ramifications malades se couvrent de pustules qui font saillie au travers des lenticelles ou dont le bombement provoque l'exfoliation de l'écorce. C'est ainsi que l'on observe dans le houppier des branches et des rameaux morts assurant un potentiel infectieux non négligeable pour les plantes sensibles situées aux alentours. Ce stade asexué de la maladie du corail assure ensuite une dissémination des conidies, surtout au contact de l'eau, mais aussi des outils de taille non désinfectés. Ces spores germent alors facilement en générant des filaments cylindriques.
Les ascocarpes, issus de la reproduction sexuée, appelée téléomorphe, constituent la forme parfaite du champignon. Ces corps fructifères à l'aspect de bouteille ou de vasque proviennent de la rencontre de filaments mycéliens. Ce sont des périthèces rougeâtres assurant la conservation du champignon sur le bois mort. Ils apparaissent également au niveau du stroma sous-cortical et renferment de très nombreux asques séparés qui contiennent chacun huit ascospores bicellulaires. Au printemps, ces spores sont projetées en masse au fur et à mesure des pluies ou des irrigations. Elles sont alors capables de germer au contact des tissus végétaux en donnant, soit un filament mycélien, soit des conidies.
Par Jérôme Jullien, expert horticole
Nectria cinnabarina
Pustules sphériques de la maladie du corail. L'écorce contaminée s'exfolie en plaquettes irrégulières, le bois infecté par le mycélium a bruni.
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